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- Allô, papa?
L’inquiétude s’intensifie dans la jeune voix.
- Papa? Qu’est-ce qui t’est arrivé?
Le visage tuméfié du père apparait à l’écran. On dirait qu’il a été dans un accident de voiture.
- Charlotte, écoute-moi, c’est important.
Même sa voix n’est pas normale. Papa solide, papa pilier; sa voix tremble, vacille comme elle ne l’a jamais entendue.
- Papa, qu’est-ce qui t’es arrivé?
- Charlotte, répète-t-il encore, et la jeune fille remarque que ses dents sont cassées, et qu’il n’arrive plus à prononcer son nom comme il faut.
La panique s’empare d’elle.
- Tu vas faire comme je te dis. Il faut venir me chercher.
La jeune fille est paniquée et ne peut que remarquer l’accent inhabituel de son père. Elle appuie un peu sur les boutons de son iphone maladroitement jusqu’à Notes.
- Je t’écoute papa. Dis-moi où. Fait-elle courageusement. As-tu besoin d’une ambulance?
- Non! Répond-il avec une légère pointe d’affolement. Non, pas d’ambulance. Pas de police. C’est important. Tu m’entends?
- Où es-tu?
- Le hangar à canots. À côté de chez Chimpies. Rue Warf. Tu rentres par la porte de côté. Pas de police, tu m’entends? Pas personne d’autre que toi et Maman.
Il y a un moment de silence bizarre. Où peut-il bien se trouver? Elle ne pense pas qu’il soit dehors. Chez quelqu’un? Elle ne comprend pas.
-
- Papa, articule-t-elle en pleurant. Sa plainte se perd sans réponse dans le téléphone.
De l’autre côté, Sylvain-Sly-Croteau est attaché à une petite chaise. Un autre homme se tient devant lui, tient le téléphone devant lui. Sly a été tabassé et saigne de la bouche, un œil disparait sous l’enflure.
Une ombre géante apparait au bout du hangar. D’autres hommes l’escortent.
Skinningman l’accueille en lui faisant un signe entendu, et le colosse s’avance vers l’homme attaché à une chaise. Il marche sur une dent qui fait « crac! » sous sa semelle.
Celui qui tient l’appareil se tourne vers le chef, recule pour le laisser passer, tout en braquant le téléphone sur Sly. Celui-ci redonne l’adresse à sa fille. On l’entend qui panique à l’autre bout.
- Tu vas venir me chercher. Pas de police, compris? T’en fais pas. Je vais bien.
Le père tente de se faire rassurant, malgré la présence qui vient d’arriver. Il jette nerveusement un œil en sa direction.
- Je vais bien, et bientôt, on sera ensemble. Ok? J’ai juste eu un petit accident, pas grave du tout. Ok?
- Ok, Papa, ok, ok, répond la voix enfantine dans le combiné.
Pendant ce temps, le colosse se place derrière Sly. Celui qui tient le téléphone se pousse un peu de côté. Sly lève les yeux, soudain plus paniqué à son tour. Il implore du regard celui qui fut son acolyte et qui maintenant n’a aucune difficulté à faire ce sale travail.
Le géant en complet veston-cravate est maintenant directement derrière l’homme assis.
- Papa? Papa? Ça va? Entend-on dans le combiné.
Mais le papa n’a pas le temps de répondre. Son visage se déforme en une seconde, ses yeux écarquillés dans leurs orbites, la bouche s’entrouvre.
De l’autre côté, la petite fille voit ce visage qui se déforme et pense qu’il voit un monstre devant lui. L’horreur qu’elle ressent en cet instant, et les images qu’elle verra tout de suite après s’imprimeront dans sa rétine et son petit cerveau pour le restant de ses jours. Quelque chose qu’aucune petite fille ne devrait jamais voir.
Non, Sly n’a pas vu de monstre. En réalité, il vient de sentir avec horreur le métal froid de la bouche d’un canon contre sa nuque. Il n’a pas le temps de réagir. Le coup part, un pouf! Feutré de (nommer le révolver silencieux et le calibre) alors que la balle qui ressort lui éclate le visage dans une pluie de sang sous les yeux horrifiés de la petite fille
La tête de Sly retombe, inerte, sur sa poitrine.
L’Autre type tient toujours le téléphone maculé de sang
Tiny Tony saisit l’appareil duquel jaillit les cris de la petite fille qui s’est mise à pousser des vagissements de bébé; le colosse jette l’appareil au sol et tire dessus quelques fois; l’écran vole en éclat et la voix de la petite fille se tait.
- Moi, quand je m’occupe de quelque chose, je m’assure de ne pas rater ma cible, dit le géant en rangeant son révolver calmement.
Tiny Tony (TNT pour les intimes) jette un dernier coup d’œil à celui qui fut son meilleur sbire. Il n’a que dédain dans le visage pour celui qui fut son acolyte.
- Chef, on s’occupe de lui? Dit un des malfrats présents en désignant Sly inerte du menton.
Le colosse tourne la tête vers la dépouille, un regard de mépris au visage.
- Non. On le laisse ici. Les siens viendront le chercher.
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